Chloé Herla
Responsable des Editions Quart Monde
Interview mené par Anne-Sophie Bulver, mai 2021
Premièrement, présentez-vous.
Je m’appelle Chloé Herla, je suis responsable des Éditions Quart Monde, la branche éditoriale de l’ONG internationale ATD Quart Monde. Précédemment chez Calmann-Lévy, j’ai travaillé une dizaine d’année principalement à l’édition de fictions françaises mais pas seulement. J’y suis en effet entrée en 2010 comme assistante éditoriale et, longtemps, j’ai pu m’occuper d’ouvrages de littérature générale dans des domaines variés : document, essai, fiction étrangère, bande dessinée et même un peu de pratique ! J’ai d’ailleurs fait mes premières armes dans l’édition avec un stage au sein des Éditions Hachette Pratique où, après quelques missions en indépendante, j’ai ensuite été embauchée en CDD. Auparavant, j’avais décroché un Master 2 en journalisme économique à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et pigeais pour un magazine spécialisé en finance et droit.
Pourquoi avez-vous décidé de vous orienter vers les métiers de l’édition ?
Travailler dans l’édition était un désir ancien et bien ancré. Si je pouvais me retrouver un peu dans le journalisme,
je savais au fond de moi que ma place était ailleurs. Si un journaliste et un éditeur doivent avoir beaucoup de qualités en commun (savoir flairer l’air du temps, manier la langue, sentir les coups, connaître le lecteur…), je me sentais plus utile aux côtés des auteurs et des autrices à œuvrer sur un temps plus long – celui des livres –, à mon échelle, comme passeuse d’idées, de mots. Je savais que découvrir, lire, transmettre me correspondaient davantage : éditer était une évidence, tenir la plume beaucoup moins. Écrire exige certaines qualités que je sais reconnaître à d’autres mais que je ne trouvais pas chez moi fondamentalement, en tout cas pas de manière instinctive.
Quelle image avez-vous aujourd’hui des métiers du livre et/ou de la rédaction ?
En entrant dans l’édition, je connaissais le marché du livre, les différents acteurs, leurs poids. Je savais que la réalité était loin de l’image d’Epinal de l’éditeur-artisan, uniquement motivé par l’amour de la langue et la gloire de la littérature, que l’édition était avant tout une industrie et un commerce. C’est d’ailleurs une idée qui ne m’a jamais dérangée : si l’on n’a pas cela en tête en choisissant de faire ce métier, il vaut mieux renoncer à mon avis.
Venant du journalisme, j’avais aussi peu d’illusions sur le marché de l’emploi, la précarité et les difficultés d’insertion sont communes aux deux branches.
Il n’empêche qu’aujourd’hui, comme hier, j’admire toujours les grandes figures de l’édition – ces femmes et ces hommes qui prennent des risques, qui osent et font émerger des voix jusque-là inaudibles, des idées nouvelles,
des engagements qui bousculent… dans les grandes maisons mais aussi et surtout chez les « petits éditeurs ».
Ils sont des milliers en France. Notre pays a la passion de l’édition. Et c’est un vrai bonheur pour qui aime les livres… mais cela offre néanmoins très peu de débouchés à celui qui y cherche un emploi salarié, car ces structures
sont bien souvent trop petites ou trop fragiles pour cela.
Quelle est votre actualité du moment dans vos missions ?
Aujourd’hui, je pilote les Editions Quart Monde. Un virage à 180 degrés dans mon parcours qui correspond à un désir d’engagement en accord avec mes valeurs. Au-delà du changement d’échelle (de la maison germanopratine historique et florissante à la toute petite maison associative et militante), cela a impliqué une remise en question profonde et salvatrice de ma pratique. La structure est petite, s’appuie beaucoup sur ses bénévoles. J’ai donc plusieurs casquettes, chaque journée est très différente de la précédente. Ma mission principale reste néanmoins de traduire en livres les luttes et les grandes priorités d’ATD Quart Monde. En 2021, les Éditions Quart Monde développeront leur offre numérique. La récente crise sanitaire, la fermeture des librairies n’ont fait que conforté une idée déjà ancienne : rendre davantage accessibles nos ouvrages au plus grand nombre, et non plus seulement en pratiquant les prix les plus faibles possibles mais aussi en proposant d’autres supports que le papier.
Selon votre expérience, quelles sont les compétences qui vous semblent indispensables aujourd’hui pour évoluer dans le milieu de l'édition ?
Tout dépend du poste que l’on vise. Mais de manière générale : la curiosité et l’ouverture d’esprit, une solide culture générale, savoir analyser son environnement, faire preuve d’audace, saisir sa chance quand elle passe… et un excellent relationnel !
Quels conseils donneriez-vous aux futurs étudiants CORED (édition) en recherche de stage ?
Idem. Tout dépend du poste que vous souhaitez briguer ensuite. A l’édito : comme pour un auteur qui aimerait y être publié, connaissez sur le bout des doigts la ligne éditoriale de la maison, renseignez-vous sur ses ambitions actuelles et futures. Mais plus généralement, je leur conseillerais d’anticiper : si vous décrochez ce stage, qu’allez-vous en faire ensuite ? Dans quel projet s’inscrit-il ? Pour en faire un vrai tremplin, comme aux échecs, veillez à en tirer ce qui vous permettra de réussir votre prochain coup : des compétences techniques ? du réseau ? un nom prestigieux ?
une place ou des missions rémunérées rapidement ? A vous de voir.
Enfin, quels conseils donneriez-vous aux étudiants intégrant le milieu professionnel à la suite de leur master ?
Persévérez. Attendez-vous à multiplier les expériences et donc les rencontres avant de décrocher un poste.
Faites-vous connaître.